Bettelmann ou mendiant aux cerises noires
Si je ne devais garder qu'un dessert de mon enfance passée en Alsace, ce serait celui-ci, talonné il est vrai, par la tarte aux mirabelles :-). Marquée tant par son odeur caractéristique (je ne vous parle même pas pendant la cuisson et à la sortie du four) que par ses saveurs inoubliables à la dégustation. Il est donc d'autant plus délicat, 20 ans après, de vouloir retrouver cette odeur et ce goût particulier sous peine d'être déçue. Voilà pourquoi j'ai repoussé ce moment. Puis l'envie est devenue la plus forte, surtout à la vue des belles cerises noires, charnues et gorgées de jus, sur les étals du marché. J'étais prête à me lancer dans ce défi :-)...Et pourtant, me direz-vous, il n'y a pas plus simple comme recette. Dès l'origine, cette très ancienne pâtisserie originaire d'Alsace et, ce que je viens de découvrir, de Franche-Comté, était confectionnée avec des restes de pains rassis ou de gâteaux (kouglof, brioche...) - en cela, similaire au pudding au pain - et des ingrédients disponibles ou accessibles, notamment après-guerre, avec des fruits de saisons, des oeufs, du lait, du sucre...Avec la hausse du niveau de vie, le bettelmann a évolué vers une composition plus riche, chaque famille y allant de sa touche personnelle telles les épices qui métamorphosent le goût, une petite goutte d'alcool qui fait la différence etc...On s'éloigne peu à peu de la recette initiale et de cette notion de "pauvre" évoquée par le terme "bettel" = mendier, d'où "bettelmann" = mendiant. Souvent cuit dans un moule en fonte, ce gâteau consommé tiède, remplaçait le plat de viande, notamment le vendredi (= jour du poisson, tradition encore bien ancrée, du moins dans mon enfance, dans les années 70/80, même sans être d'aucune confession religieuse) et faisait suite à une bonne assiette de soupe aux légumes. Si on peut l'agrémenter de fruits différents, la tradition le préfère malgré tout avec de belles cerises noires (je n'ai connu que celui-ci) et parfois, des pommes. En ce qui concerne ma version, il fallait qu'il y ait obligatoirement de la cannelle et du kirsch pour retrouver cette saveur incomparable que j'adorais tant. Ma seule concession, car je n'en connais pas la recette, concerne la brioche. Les bettelmann que j'ai dégusté étaient à base de "théwecke" = pain au thé. Quant aux cerises, pas question de les dénoyauter afin de garder cette texture charnue, moelleuse et le goût prononcé de la cerise après cuisson, qui contraste merveilleusement avec la saveur dominante de la cannelle, une alliée de choix. En ôtant le noyau, le résultat n'aura plus rien à voir...Je ne suis pas de celle qui pense que c'est ledit noyau qui donne le goût. Je pense que c'est tout simplement le fait d'ouvrir la cerise. A la cuisson, elle va se vider de sa substance, de son jus et on ne retrouvera plus ni la texture moelleuse, charnue, du fruit, ni ce contraste de saveurs...un peu comme une "patate" à l'eau cuite avec ou sans la peau :-). Je dis ça...je ne dis rien :-) A vous de voir...et soit dit en passant, personne ne s'est jamais cassée une dent...et si par hasard vous avalez le noyau...je vous passe le reste :-). Réalisable par la plupart d'entre vous...Vous savez ce qu'il vous reste à faire...J'ai pour ma part, retrouvé ce goût si particulier...et maintenant que je tiens la bonne recette et que j'ai fait ce premier pas, je ne compte certainement pas m'arrêter là :-) :-) :-) "As schmeckt no noh me" (ça a un goût de reviens-y). "Nun de bockel esch des guet !" (expression intraduisible pour dire que c'était une tuerie, une vraie gourmandise, qu'on s'est vraiment régalé etc... :-) :-) :-)
Remise à jour le 23/07/2024 : Juste le plaisir de la refaire car mon entourage rochelais/rétais adore. Je n'ai rien changé à la recette. Par contre, j'en ai profité pour réaliser de nouvelles photos :-) Toujours un "genous" (un délice). J'en profite pour rendre hommage à ma grande tante Suzanne, la reine du Baekehoff et de la Linzertorte, qui nous a quitté le 17 juillet 2024, dans sa 94 ième année.
Pour un moule à charnière de 26 cm de diamètre et environ 6 cm de haut.
Préparation : 25 à 40 minutes Repos/levée de la pâte à brioche maison (facultatif) : 2h00 + 1 nuit + 1h00 Cuisson : 35 minutes à 180°C (brioche maison) + 1h00 à 180°C (bettelmann) Réfrigération : 12h00 = 1 nuit (bettelmann cuit) Conservation : 4 à 5 jours enveloppé dans du film alimentaire, au réfrigérateur.
N.B. 1 : Vous n'êtes pas obligé de préparer une brioche maison. Celle du commerce fera l'affaire. Il suffit juste de la laisser "rassir" 2 à 3 jours (pour utiliser des restes, c'est l'idéal :-). Pour ceux qui souhaitent la réaliser malgré tout, j'attire votre attention sur le fait que la recette de brioche que je vous livre ci-dessous donne un résultat très dense qui est idéal ici mais qui n'est pas du tout top pour une consommation quotidienne... à moins que vous n'appréciez les... briques 😁!
N.B. 2 : Tous les ingrédients doivent être à température ambiante (sauf indication contraire) et il est conseillé de sortir le beurre servant à la brioche maison et les oeufs servant à la pâte à bettelmann au moins 2h00 avant du réfrigérateur afin qu'il ait le temps de bien ramollir pour l'un et d'être bien tempérés pour les autres.
N.B. 3 : Pour ceux qui souhaitent réaliser le bettelmann "AVEC GLUTEN", il suffit d'utiliser des pains au lait, kouglof ou brioche rassi(e)s que vous consommez ou réalisez habituellement. Le restant est identique :-).
Liste des ingrédients :
Pour la pâte à brioche (facultatif) : - 140 g de farine de maïs + 85 g de maïzena + 2 g de sel tamisé(e)s ensemble - 1 sachet de levure boulangère "Briochin Alsa" + 2 CS de lait à peine tiède + 1 CC rase de sucre - 150 g (=3) d'oeufs très froids - 25 g de sucre - 110 g de beurre mou à 82% de M.G. coupé en morceaux - 25 g de farine de maïs + 5 g de levure chimique (type "Ste Lucie" ou "la Pâtelière bio") tamisées ensemble - QS de beurre pommade pour le moule -
Pour la pâte à bettelmann : - 450 g de pain au lait ou brioche sans gluten (préparée ci-dessus notamment) rassi(e) - 600 g (60 cl) de lait entier - les graines grattées d'une gousse de vanille ou 1 cc de d'extrait de vanille liquide - 5 jaunes d'oeufs - 150 g de sucre roux - 1 CS rase de cannelle en poudre - 120 g de poudre d'amandes - 2 CS de kirsch - 5 blancs d'oeufs tempérés - QS de beurre pommade pour le moule -
Pour la garniture/finition : - 1 kg de cerises noires (de préférence), lavées, séchées, équeutées mais surtout pas dénoyautées - 2 CS de poudre d'amandes - 1 CS de sucre roux - 20 g de beurre à 82% de M.G. coupé en dés -
Déroulement : tel que perso, je l'ai réalisé :-)
Pour ceux qui utilisent de la brioche (ou pain au lait) du commerce rassi(e), allez directement à J-1.
J-4 :
Préparation de la pâte à brioche (facultatif)+ levée 2h00 à 30/40°C + repos 1 nuit au réfrigérateur : Dans un bol, délayez 1 sachet de "briochin Alsa" dans 2 CS de lait à peine tiède + 1 CC de sucre. Laissez reposer à température ambiante (>20°C) durant 15 minutes jusqu'à obtention d'une consistance mousseuse. Au dessus du bol du robot, tamisez l'ensemble farine + maïzena + sel. Y creuser un puits. Fouettez les oeufs très froids en omelette avec le sucre puis versez au centre du puits. Commencez à malaxer au crochet pétrin jusqu'à ce que la masse soit homogène. Versez la mixture lait/levure et continuez à pétrir au crochet pétrin durant 2-3 minutes. Enfin, ajoutez au fur et à mesure les morceaux de beurre mou et continuez à malaxer jusqu'à obtenir une pâte homogène et élastique. (N.B. : il est normal que la pâte soit collante : ne surtout pas rajouter de farine). Préchauffez le four à température minimale (30/40°C). Pendant ce temps, à l'aide d'une maryse ou corne, versez la pâte au centre d'un grand saladier. Couvrez celui-ci d'un linge, enfournez dans le four préchauffé que vous éteignez :-) durant la levée qui durera 2h00. Au bout de ce laps de temps, tout en laissant la pâte dans le saladier (celle-ci est très aérienne et collante), appuyez dessus avec le dos d'une cuillère afin de lui redonner son volume initial : c'est la phase de dégazage, primordiale ! Puis ajoutez les 25 g de farine + 5 g d levure chimique et mélangez à l'aide d'une maryse jusqu'à ce qu'elles soient bien incorporées. Transférez cette pâte sur du film alimentaire et aidez-vous de celui-ci pour former un rectangle de 2-3 cm d'épaisseur que vous enveloppez dudit film. Mettez ce rectangle de pâte au réfrigérateur 1 nuit, durant laquelle il reprendra de nouveau du volume.
J-3 :
Façonnage + ultime poussée + cuisson de la brioche : Beurrez l'intérieur d'un moule à cake de 20 x 8 x 8 cm. Préchauffez le four à température minimale (30/40°C). Pendant ce temps, façonnez rapidement le rectangle de pâte aux dimensions du moule et déposez-le au fond (du moule :-). Mettez dans le four préchauffé que vous éteignez durant cette ultime poussée qui durera 1h00. Au bout de ce laps de temps, sortez le moule du four :-) avant de préchauffer celui-ci à 180°C (th6). N.B. : vous pouvez badigeonner le dessus de la brioche d'un mélange jaune d'oeuf + lait...Perso, je ne l'ai pas fait car il s'agit de l'utiliser comme matière première pour la suite :-). Une fois préchauffé, enfournez et faites cuire à 180°C durant 35 minutes environ (le dessus doit avoir une couleur blonde). A la sortie du four, posez le moule sur une grille et laissez complètement refroidir avant de démouler la brioche. Enveloppez-la de film alimentaire et réservez-la à température ambiante, à l'abri de l'humidité durant 2-3 jours afin de lui donner le temps de durcir et rassir :-) :-) :-)
J-1 :
Préparation du moule et des cerises : Beurrez généreusement l'intérieur :-) d'un moule à charnière (de préférence) de 26 cm de diamètre et 6 cm de haut environ et dont vous tapissez le fond d'un disque de papier cuisson. Réservez au réfrigérateur. Lavez, séchez et équeutez les cerises. Ne les dénoyautez pas (cf l'introduction). Préchauffez le four à 180°C (th6). De suite :
Préparation de la pâte à bettelmann : D'une part, portez à ébullition le lait + les graines de vanille (ou extrait de vanille liquide). Coupez les petits pains ou brioche en morceaux et mettez-les dans un grand récipient. Versez dessus le lait vanillé bouillant en mélangeant un peu et laissez les morceaux gonfler. Lorsqu'ils sont bien ramollis, versez le tout dans le bol d'un mixeur/blender et mixez jusqu'à obtenir une mixture homogène. D'autre part, mélangez le sucre roux avec la cannelle. Mettez les jaunes d'oeufs dans un grand saladier. Versez dessus le sucre roux à la cannelle et mélangez bien à l'aide d'un fouet. Ajoutez la poudre d'amandes puis le kirsch et mélangez à chaque fois toujours à l'aide du fouet. Enfin, versez dessus, en 3 fois et en mélangeant à chaque fois toujours à l'aide du fouet, la mixture brioche/lait mixée. D'autre part, au batteur muni du fouet, montez les blancs tempérés en neige assez ferme (bec d'oiseau). Incorporez-les délicatement, en 3 fois, à l'aide du fouet ou d'une maryse/spatule à la préparation précédente en mélangeant à chaque fois, en partant du centre et en élargissant le mouvement vers le bord tout en soulevant la masse afin d'obtenir une pâte homogène. De suite :
Montage + cuisson du bettelmann + réfrigération 1 nuit du bettelmann cuit : Versez-y la pâte à bettelmann obtenue dans le moule. Puis ajoutez 1kg de cerises entières (avec noyau) en les répartissant un peu partout afin d'obtenir un gâteau équilibré. Saupoudrez le dessus de poudre d'amandes et de sucre puis disséminez ici ou là, des dés de beurre. Enfournez et faites cuire durant 1h00 à 180°C. A la sortie du four, posez le moule sur une grille et laissez complètement refroidir sans démouler. Toujours sans démouler mais en défaisant juste la charnière avec précaution (passez le dos de la lame d'un couteau entre le bord du moule et le gâteau si nécessaire), couvrez de film alimentaire et mettez le bettelmann au réfrigérateur 12h00 (1 nuit) afin qu'il prenne corps et que les arômes se développent :-)
Jour J :
Dégustation : Sortez le bettelmann 30 minutes environ avant de servir afin qu'il soit à température ambiante. Ôtez le film alimentaire et le bord à charnière. Glissez le bettelmann avec précaution (il est lourd) sur un plat à service. C'est prêt ! Vous pouvez maintenant le déguster sans modération mais toujours avec délectation, accompagné d'une crème anglaise ou d'une boule de glace à la vanille :-) :-) :-) "A Genous !" (un délice)... Et soit dit en passant, il est encore meilleur 48h00 plus tard... Je dis ça... Je ne dis rien ;-)